Des racines pour l'avenir

À côté de ma chambre se trouvait celle de mon frère, une chambre toujours à la merci du chaos et du désordre, à tel point que ma mère, en désespoir de cause, avait collé sur la porte une petite bande de papier où l'on pouvait lire : « une chambre d'enfant à ranger, c'est une vie à construire »... Une phrase célèbre de l'écrivain Daniel Pennac, qui aurait dû encourager mon frère à gérer un peu mieux son espace dans la maison et peut-être à le responsabiliser un peu plus jour après jour.

Vaia a été une tempête terrible, une catastrophe naturelle unique en son genre qui a semé le trouble et la peur dans plusieurs vallées des Dolomites en l’espace de quelques minutes, bouleversant le paysage. Elle a fait des ravages incroyables. Et comme si cela ne suffisait pas, tout s'est déroulé en automne, une saison où la nuit tombe de bonne heure, de sorte que même les plus expérimentés n’ont pas pu évaluer immédiatement l'énormité de la catastrophe. Du vent, des bruits assourdissants, tout se casse et puis le silence. Vaia a dénaturé des villages entiers et bouleversé de nombreuses pentes forestières, notamment la zone protégée du parc naturel de Paneveggio dans le Trentin. Après le désespoir, l’évaluation des dégâts puis la réorganisation des ressources, le désir et le besoin impératif de « réparer les choses » ont rapidement fait surface. 

Grâce au sourire, à la force et à la générosité de nombreuses personnes, tous les efforts sont déployés pour restaurer la zone et surtout la revaloriser, car la forêt est une ressource pour tous et un écosystème précieux pour l'avenir de chacun. La collaboration entre Dolomite 1897 et Trentino Tree Agreement a donné naissance à un beau projet où l'on se salit les mains mais où l'on agit avec son cœur. Dans certaines zones sélectionnées, différents types d'arbres sont plantés de manière logique à l'intérieur de clôtures protégées afin de créer une forêt plus structurée et plus apte à faire face aux événements naturels extrêmes. Ainsi, pins des Alpes, mélèzes et épicéas créent un ensemble végétatif où les éléments peuvent s'entraider grâce aux différentes caractéristiques de chaque variété. Une grande quantité d'arbres qui cohabitent sans se ressembler, comme s'ils parlaient des langues différentes, apprenant à communiquer pour regarder loin devant, vers les montagnes et au-dessus des villages alpins.

Dès que l'on « entre » dans la nature, il faut apprendre à s'orienter et à entraîner sa vue ; dans notre cas précis, on découvre un territoire en ruines et blessé que seule la lenteur de la nature elle-même pourra revigorer. En effet, au début le spectacle laisse un goût amer, celui du désastre, mais il peut se transformer en un doux et magnifique paysage si l’on fait confiance à la coopération et que l’on a la patience d’attendre.

Et puis il y a les odeurs que seule la forêt peut vous transmettre avec cette diversité qu’offrent les saisons : les feuilles, les aiguilles, les pommes de pin et les champignons. Jouer avec les sons, s’assoir en silence sous un arbre et écouter la forêt : les troncs grincent et se touchent, les branches s'étirent et les animaux se poursuivent. Enfin, il y a le goût, car quand on plante des arbres, on y prend goût… Demandez aux amis de Dolomite !

Non seulement cela vous « vide » la tête des soucis du quotidien, mais vous permet en plus de partir dans des rêves lointains. Et l’on se surprend alors à se demander si cet arbre sera vraiment aussi grand et beau que les autres. On se met à rêver, mais, en gardant bien les pieds sur terre et dans les bonnes chaussures, on est toujours devant cette pente blessée entre les racines, les souches et la terre. À l'est, vous pouvez voir les Pale di San Martino, cet immense groupe montagneux qui se détache derrière un conifère vert et, plus au sud, la chaine montagneuse de Lagorai avec sa roche violet foncé d'origine volcanique.

Creusez un petit trou, choisissez le petit arbrisseau, insérez-le doucement, enfoncez-le délicatement avec vos mains, puis toujours en douceur avec vos pieds. Un geste simple, que vous pouvez accomplir avec vos amis ou vos collègues, car il est bien connu qu'une victoire partagée est une double joie. Après quoi on a juste envie de caresser ce petit arbre, de lui souhaiter bonne chance et de profiter de la vue, en restant bien ancré dans le sol. Qui sait quel spectacle l'attend. Le plus bel espoir réside bien sûr dans le fait de revenir lorsqu'il aura grandi et, pourquoi pas, de chatouiller ses racines.

Le temps a donné finalement raison à mon frère. Il est devenu ordonné dans son désordre quotidien et il s’est transformé en un beau garçon, grand et robuste, fort comme un arbre, beau et échevelé avec sa crinière de cheveux bouclés. Quand il le peut, il quitte volontiers la ville pour s'échapper dans les bois, il court joyeusement à travers les arbres en visant le sommet et en essayant de se rappeler quel animal il voulait être dans son imagination lorsqu’il était enfant : un chamois agile, une marmotte endormie ou un aigle royal à la vue perçante. Lorsque nous étions de petits explorateurs, tout se transformait en jeu et aujourd’hui, devenus adultes, même si les choses changent de perspective, une forêt reste un terrain de jeu pour tous les âges, un atout énorme pour la communauté, et il est important que nous continuions à en prendre soin chaque jour.

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